Article rédigé par un pêcheur passionné et surtout responsable.
Il fait chaud cet été. Les rivières des Cévennes manquent d’eau. Cette sécheresse accentuée par le changement climatique devient sévère sur certains parcours des Gardons Cévenols. Elle devient critique quand ces parcours sont décorés de petits barrages sauvages de baignade réalisés par les baigneurs de passage en quête des jeux d’eau. Quand les êtres humains jouent, les animaux aquatiques déjà menacés par une sécheresse sévère meurent plus rapidement asphyxiés, acidifiés, embourbés.
L’eau retenue par ces petits barrages sauvages se réchauffe en pleine chaleur. L’oxygène dissous dans l’eau s’évapore avec la montée en température. Pendant ce temps le gaz carbonique de l’atmosphère, de la respiration des animaux aquatiques, de la dégradation des plantes, feuilles détritus organiques bloqués dans les murs des petits barrages se mélange avec l’eau pour former un acide carbonique. Ce mélange acidifie encore plus l’eau des Gardons par libération de proton et accentue l’asphyxie de tous les animaux aquatiques des chaines alimentaires locales. Les truites, les vairons, les chabots, les loches, espèces protégées par les conventions de Natura 2000, disparaissent en premier car ils sont les plus sensibles au manque d’oxygène dissous dans l’eau, aux températures élevées, aux fluctuations de l’acidité de l’eau qui génère des maladies chez ces espèces. Survivent un peu plus longtemps les cyprinidés comme les chevesnes, les blageons, les spirlins. Il en résulte un déséquilibre des populations de poissons par dominance d’une famille qui envahit de plus en plus les têtes de bassin des Gardons au détriment des espèces locales.
En aval de chaque petit barrage de baignade, l’eau retenue par les baigneurs coule moins voir plus du tout dans certains endroits. Les animaux aquatiques qui essaient de vivre dans des conditions sévères sont asséchés par manque d’écoulement. Ils sont donc menacés en amont et en aval du barrage de baignade. Mais il n’y a pas que les animaux aquatiques qui soient menacés et détruits. La rivière dans son entité l’est si elle perd son patrimoine aquatique et sa biodiversité spécifique. Si la rivière l’est, l’homme à plus ou moins long terme le sera puisque sa ressource en eau est menacée.
Ces stress estivaux crées par l’homme sont accentués en période estivale de forte fréquentation. Les déversements de contaminants organiques (eaux grises), inorganiques (produits ménagers), médicaments, bactéries (urines, fécès), les dépôts de déchets diverses (canettes, bouteilles plastiques, plastiques divers, mégots etc..), les tuyaux non alimentaires qui prélèvent l’eau dans les valats, libèrent des substances voir des cocktails de substances toxiques dans l’eau. En période d’étiage accentué, ces substances sont plus concentrées, plus toxiques. Les mégots mettent plusieurs années à se dissoudre dans l’eau. Les bâches plastiques utilisées par les baigneurs pour bloquer l’eau libèrent des substances nocives et se dégradent au fil du temps en billes de micro-plastiques très toxiques pour les poissons qui les ingèrent et les hommes qui les pêchent et les mangent. Il suffit de voir ce qui se passe en mer actuellement dans les gyres du pacifique et de l’atlantique pour évaluer les impacts le long des chaines alimentaires jusqu’à l’homme. Les Gardons ne peuvent plus en période d’étiage sévère diluer, intégrer, absorber tous ces contaminants qui dévaleront ensuite vers la mer méditerranée en période de crue.
Lorsque les eaux se réchauffent, s’étouffent en oxygène ou s’acidifie, les contaminants et les polluants sont encore plus actifs. Ils s’intègrent dans les chaînes alimentaires et s’accumulent de proies en prédateurs. Les truites par exemple en haut de la chaine alimentaire aquatique des Gardons, sont plus contaminées que les vairons. Elles peuvent même transmettre les contaminants qu’elles ont accumulés pendant leurs vies à leurs œufs et alevins. Il en résulte un impact génétique et une forte mortalité chez leurs descendants par transfert maternel.
Pas bien joyeux tout cela. Nous pourrions l’éviter tout simplement en favorisant l’écoulement de l’eau en période d’étiage. Stop aux petits barrages de baignade et bienvenue à la diffusion de l’information sur leurs conséquences. Stop aux dépôts de mégots, de plastique, de contaminants ménagers, organiques, bactériens. Les animaux meurent en ce moment pour que nous puissions jouer dans l’eau et vivre dans un confort estival. Si des crues importantes suivent les périodes d’étiage accentuées, que deviendront les survivants de nos Gardons? Les sols asséchés seront lessivés par les vagues crées d’amont en aval par la rupture de chaque petit barrage abandonné par les estivants. Les sédiments, les boues seront menaçantes pour les hommes, leurs villages et colmateront toutes les frayères avals, étouffants encore une fois les animaux, nos ressources.
La limite entre loisirs, plaisirs, confort et sauvegarde, protection des environnements aquatiques devrait être bien déterminée. Des lois existent pour protéger les environnements aquatiques surtout en zone du parc national des Cévennes et en zone Natura 2000. Il suffit de les diffuser, de les appliquer et de punir les abus.
Un fameux hydrobiologiste Cévenol disait « l’eau est le bien de tous » je rajouterai « l’eau propre est le bien de tous » alors pourquoi cet incivisme écologique et cette absence de gestion environnementale de l’eau en période d’étiage sévère ? L’eau, cette ressource précieuse qui coule tous les jours de nos robinets sera de plus en plus rare avec le changement climatique rapide. Pourquoi la négliger dans les rivières alors que nous la demandons propre tous les jours à nos robinets ? Les ressources en eaux sont constantes sur notre planète. Le cycle de l’eau est millénaire. Nous buvons la même eau que l’homme de Neandertal. Détruire son cycle, c’est nous détruire. Alors commençons avec nos petits moyens à surveiller nos Gardons et à rendre compte aux autorités compétentes de l’incivisme écologique. Un petit geste pour sauver la planète des Gardons.