Un printemps pluvieux, mais bénéfique ?

On ne va pas s’en priver, en ce début juin, les sols sont bien gorgés d’eau, les cours d’eau hauts et les température relativement clémente. Après plusieurs années de sécheresse ça fait en effet du bien et on pourrait s’attendre à une période d’étiage moins sévère. Mais les pluies de cette première partie d’année ont-elles réellement été bénéfiques pour les rivières et les poissons, notamment pour leur reproduction?

Quelques mots sur les nappes

Etat des nappes souterraines (source: BRGM)

Avec un début d’hiver déficitaire en pluie, les épisodes pluvieux significatifs, à l’échelle du Gard, sont apparus en Mars. Avec des niveaux d’eau (souterrains et de surface) bien affaiblis par l’étiage passé, les quelques pluies de Janvier et Février n’ont pas suffit à recharger les nappes souterraines.

Le Bulletin du BRGM ne montre qu’un retour à la moyenne, voire même un niveau modérément haut, des nappes du Gard qu’au 1er avril. Ce sont donc les 3 évènements pluvieux de Mars qui ont permis une telle réalimentation, dont on avait bien besoin.

Les pluies de Mai et Juin ne servent pas à rien et ne sont pas pour autant des « excédents » d’eau. Elles participent aussi au remplissage en eau du sol, pour venir en soutient lors de l’étiage et permettre de limiter les effets de la sécheresse cet été.

On peut noter le caractère assez exceptionnel de ce début d’année en terme de cumul de précipitation. 2024 est bien au dessus des normales enregistrées.

 

Des pluies tardives pour les plus précoces

La truite fario est la première espèce à se reproduire dans l’année, entre Décembre et Février, et profite des eaux bien fraîches et de l’augmentation des niveaux d’eau pour se reproduire. Les quelques pluies de fin 2023 ont permis de soutenir le niveau d’eau des rivières voire même de le réaugmenter sur certains affluents. Ces quelques précipitations n’ont cependant pas été théoriquement conséquentes pour décolmater le fond du lit, remobiliser les sédiments fin et attirer les fario sur les affluents grâce aux débits.

Même si les conditions n’étaient pas optimales, avec des débits largement en dessous des normales mensuels sur la période, les truites ont pu tout de même accomplir leur cycle de reproduction. Cependant,  une forte augmentation des débits est intervenue sur les périodes de ponte mais surtout d’émergence des alevins, avec des débits encore élevés à l’heure actuelle. Cela a pu causer une importante mortalité dans le recrutement, dû à un emportement des œufs et des graviers par le courant, et une dévalaison brutale des alevins limités dans leur capacité de nage.

 

Evolution des débits moyens mensuels par rapport à la période de reproduction des Truites

Il faut donc s’attendre à une année faible en juvéniles de truite, qui risque de se répercuter sur l’année prochaine et suivante en terme de densité de truite. Mais ce potentiel « déficit » pourra être comblé lors des recrutements suivants.

L’accessibilité des frayères pour le Brochet

En regardant les débits sur la période de reproduction du brochet, ceux-ci sont largement supérieurs aux normales (sur les 10 dernières années). Les accès aux frayères, qui sont pour la plupart formées de végétation en berge ou de bras morts/secondaires, ont donc put être facilement accessible par les géniteurs. Les brutales augmentations de débits ont pu toutefois perturber la reproduction: arrachage d’herbier, vitesses d’écoulement trop importantes…

Un bon recrutement en brochet pour cette année reste tout de même espéré. Les débits encore hauts pour l’année assurent une certaine survie des juvéniles dans leur frayère (ce qui peut ne pas être le cas en cas de sécheresse précoce par exemple).

 

Evolution des débits moyens mensuels par rapport à la période de reproduction du Brochet

Enfin des débits attrayants pour les Aloses?

Alors que l’année dernière certains axes migratoires étaient invisibles pour la remontée des aloses, dû à leur faible débit, en 2024 le régime s’inverse! L’importante augmentation des débits sur le mois de Mars a permis de bien réalimenter les cours d’eau, permettant d’octroyer un bon débit d’attrait pour les Aloses.

Ainsi, les aloses sont bien présentes sur les grandes rivières gardoises, notamment sur le Vidourle et le Gardon. Cependant, pour que les aloses se reproduisent il leur faut des caractéristiques précises en terme de vitesse, de profondeur et de granulométrie.  Cette année, les débits sur la période mi-avril à juin sont 3 fois plus important que les moyennes observées. Cela a pu cesser les activités de reproduction voire freiner leur migration.

 

Evolution des débits moyens mensuels par rapport à la période de reproduction des Aloses